Quatre tables-rondes ont ainsi mis en regard les visions militaires (interarmées), civiles et étrangères du formateur sans oublier pour les armées, l’essentiel, ainsi que l’a rappelé le général de corps d’armée Marc Conruyt, en ouverture de l’évènement : « dans nos questionnements sur la préparation de nos chefs et leurs formations, gardons à l’esprit l’effet final recherché : engager des soldats au combat ».
Retour en quelques points sur l’essentiel des réflexions auxquelles une bonne soixantaine de participants étaient invités à participer.
« La formation est d’abord une prérogative du chef de contact »
« Le chef formateur de ses hommes est l’un des fondamentaux dans notre armée » a pointé le général Emmanuel Charpy, commandant la formation de l’armée de Terre. Cette dernière voit en effet des vertus à ce que le chef militaire forme lui-même les hommes dont il a la charge en ayant à l’esprit que cette formation se veut intégrale : non seulement elle éduque physiquement et moralement mais elle instruit aussi. La formation par essence joue par ailleurs un rôle fondamental dans la transmission au soldat du style de commandement de son chef. D’où l’importance du style de commandement exercé à chaque niveau et qui influera durablement sur le collectif et sur chaque soldat. Sans oublier le lien puissant entre la formation et la fidélisation car « le cadre qui forme joue un rôle important dans la fidélisation de ses hommes ».
Si l’armée de Terre dispose de ses propres écoles dont elle dynamise et adapte en permanence l’offre, seuls des savoir-faire très spécifiques peuvent être externalisés. Une vision de l’internalisation de la formation, partagée par nombre d’interlocuteurs présents comme la Police Nationale, l’armée allemande et la Marine nationale, pour qui la formation des marins à la mer est indispensable.
Définir les priorités d’éducation : transmettre des valeurs qui fondent le savoir-être…
Pourquoi éduquer le soldat, forger son caractère, développer sa force d’âme ? Pour le préparer à une vie orientée vers le dépassement physique, l’action collective, le combat et éventuellement la mort. C’est pourquoi le formateur militaire doit impérativement transmettre des valeurs universelles et intemporelles qui fondent le savoir-être du soldat et le savoir-vivre collectif de l’unité. Un impératif corroboré par le témoignage de la BSPP, dont les hommes sont confrontés à la mort très chaque jour. Si la formation militaire doit être attractive, créer des situations de réussite, donner du sens et s’adapter au juste besoin, « le savoir-être est une notion supérieure au savoir-faire » a souligné le général Fabien Lefebvre, sous-directeur commandant la formation de l’armée de l’Air et de l’Espace.
…mais aussi adapter ses méthodes pédagogiques sans renier les fondamentaux
L’armée de Terre a longtemps été considérée comme précurseur dans le domaine de la pédagogie. Selon une étude de l’école de Guerre Terre sur la rénovation pédagogique, la méthode de formation de l’armée de Terre est efficace ; avec un impératif, celui de faire évoluer les outils pédagogiques constamment. La priorité en la matière étant de définir des objectifs, savoir où l’on veut aller ; constat partagé par nos partenaires belges ainsi que le groupe Safran : « la formation est un moyen et non une fin ».
En matière de numérisation des outils, intégrer les dernières innovations en préservant un juste équilibre
L’armée de Terre s’adapte à la réalité de la jeunesse (les fameuses générations Z et aujourd’hui A) ainsi qu’à ses propres besoins (combat info-valorisé, systèmes d’armes semi-autonomes, etc.) en faisant appel par exemple aux sciences cognitives et à la neuropédagogie. Pour répondre toujours mieux aux défis actuels comme l’irruption de l’IA, elle n’a de cesse d’innover et de réfléchir à la place à accorder à ces nouvelles technologies. Car en effet ces sciences et l’IA transforment profondément la pédagogie.
Il est indéniable qu’elles sont une aide pour les professeurs qui peuvent mieux transmettre leur savoir et mieux individualiser la formation et les élèves qui peuvent mieux apprendre ; mais elles présentent aussi des risques à bien évaluer : saturation numérique ou risque d’individualisme accru contraire au collectif cher aux armées par exemple. Raisons pour lesquelles il convient assurément de trouver le juste équilibre entre le présentiel et le distanciel, le terrain et le virtuel etc.
Un colloque très enrichissant pour l’ensemble des acteurs, qui illustre combien l’armée de Terre en particulier place la formation au cœur de la carrière des soldats, afin de toujours disposer d’une armée de Terre prête à répondre aux défis actuels et futurs.