Des blessés à l’accompagnement : pourquoi ce changement de fonctions ? Que doit-on comprendre ?
Dans ma nouvelle fonction à la tête du pôle accompagnement, je garde celle d’officier en charge des blessés, disons que mes fonctions se sont élargies.
Pourquoi un officier en charge des blessés ? Il est important d’y revenir. L'armée de Terre a mis en place cette fonction depuis plus d’un an afin de porter une ambition forte dans la prise en charge de la blessure au sein de la communauté Terre, en complément des actions ministérielles. Le suivi de la blessure (prévention, intervention, récupération) décliné à tous les niveaux est le reflet de l’attention d’une armée apportée à sa capacité et sa disponibilité humaines, et donc de son potentiel opérationnel.
Aujourd’hui mes fonctions sont élargies car l'armée de Terre, le CEMAT, a une politique ambitieuse sur la dimension humaine ; cela s’est traduit entre autres par la création du pôle accompagnement que je commande.
La dimension humaine, avec en finalité l’efficacité opérationnelle, passe par l’accompagnement de l’ensemble de la communauté Terre[1], que ce soit au quartier ou en garnison, avec un regard particulier sur les milliers de blessés, leurs familles et les familles endeuillées..
Le sujet de la condition militaire n’est pourtant pas nouveau ; qu’est-ce qui change ?
Vous avez raison, ces préoccupations d’environnement humain, de condition du personnel, de forces morales et de blessure sont connues et accompagnées depuis plusieurs années par l’armée de Terre, avec cependant une période où elles ont pu être perçues comme déléguées de façon assumée à des acteurs extérieurs, voire privés. Ce temps me semble révolu.
La création du pôle accompagnement, avec à sa tête un sous-directeur, illustre la volonté affirmée d’améliorer la synergie et la coordination des acteurs et des ressources, dans un cadre d'action défini par un écosystème complexe. Même si les leviers d’action sont opérés ailleurs, il est bon de rappeler, sans être incantatoire, la responsabilité à chaque niveau du chef militaire dans ce domaine.
L’accompagnement s’inscrit dans la relation chef/subordonné où le chef, et plus largement le commandement, se doit d'assurer les conditions de vie (au quartier comme en garnison) et un moral satisfaisant pour la communauté Terre. Il s’agit bien d’une responsabilité du commandement.
Il y a la volonté que le chef se réapproprie, à tous les niveaux, cette dimension fondamentale pour le bien-être et l'épanouissement des militaires et de leurs familles, et donc pour leur efficacité opérationnelle et professionnelle.
Nous avons défini 4 axes prioritaires d’action :
- bien vivre son métier, soit la manière dont le militaire aborde et exécute son activité au quotidien ;
- bien vivre de son métier, c’est-à -dire les justes contreparties aux sujétions qu’impose l’état militaire ;
- bien vivre avec son métier, il s’agit de la conciliation vie professionnelle et vie personnelle ;
- bien vivre après son métier, soit la transition professionnelle après la carrière militaire.
Le pôle accompagnement est aujourd'hui en construction. Son principal défi est la diffusion dans toutes les unités de l'armée de Terre de l’état d'esprit évoqué plus haut, en s’appuyant sur une chaine cohérente à la fois dans les zones Terres, dans les brigades et dans les régiments. Bien sûr il y a aussi une question de moyens, y compris aux plus bas échelons.
Comme je l’ai dit, j’ai conscience que certains leviers ne sont pas internes à l’armée de Terre et il me revient à cet effet de mener un travail de coordination avec l’ensemble des acteurs.
Le pôle est également là pour accompagner le commandement dans la compréhension de tous les outils à sa disposition pour remplir sa mission.
J’insiste : le pôle accompagnement, bien qu’intégré au sein de la DRHAT, dépasse la logique RH pure : l’accompagnement est avant tout un sujet de commandement et de chef militaire, dans toutes ses dimensions : matérielle, sociale, psychologique, relationnelle, financière.
Vous avez parlé de fraternité d’armes ?
Le CEMAT cite systématiquement la fraternité d’armes comme force de l’armée de Terre. Elle est au cœur de l’accompagnement et des forces morales d’une armée. Se préparer à la dronisation du champ de bataille, disposer d’une profondeur logistique en munitions ou appliquer un vrai « combat mission » en tactique nous permet d’être meilleurs le moment venu. Mais « quand le rideau se lève » et que le stress et le déluge de feux sont là , c’est bien la « capacité humaine et fraternelle » de chaque unité qui permet d’écarter la panique et de tenir dans la durée. Et cela se travaille aux niveaux central et surtout tactique, et peut se mesurer dès le temps de paix.
Quels enjeux pour l’année à venir ?
J’en vois trois :
- la poursuite de la montée en puissance de la fonction accompagnement ;
- la manœuvre de délégation des moyens d'accompagnement aux brigadiers et aux chefs de corps ;
- mieux faire comprendre la spécificité armée de Terre, afin de mieux faire appliquer nos besoins en tant qu’employeurs auprès des acteurs ministériels.
Et il y a quatre priorités : améliorer la qualité de vie en garnison, accompagner la mobilité et ses conséquences, toujours soutenir (voire réintégrer) les blessés et les familles endeuillées ; enfin renforcer les forces morales (notamment la fraternité d’armes) des unités et du personnel qui les compose, depuis la formation initiale jusqu’à l’engagement au combat, et même après[2], en passant par l’entraînement et la vie en garnison.
Deux grands sujets très dimensionnants m’occupent en ce moment : la compréhension de la protection sociale complémentaire de santé par la communauté Terre et le logement, sujet lié à la mobilité et bien connu, avec des attentes fortes et légitimes.
En conclusion : notre logique est celle d’accompagnement du commandement, d’accompagnement social de toute la communauté Terre, et d’un accompagnement fraternel de nos blessés. Je le répète enfin : l’accompagnement dépasse la logique RH pure (recrutement, avancement, soldes, etc.) ; il s’agit d’abord d’une affaire de commandement et de responsabilité humaine, très forte dans notre institution. Très clairement, l’accompagnement contribue à la fidélisation et à l'efficacité opérationnelle de l’armée de Terre.
[1] Soit environ 300 000 personnes : personnels civils et militaires d’active et de réserve, familles.
[2] Forces morales en prévention, pendant l’action, en récupération-reconstruction.